Interview de Boniperti

Voici une interview du président honoraire de la Juventus, Giampiero Boniperti, accordée au quotidien piémontais ‘La Stampa.

Président Boniperti, que ressentez-vous en tant que juventino du siècle ?
« Une grande mélancolie. Nous sommes en serie B, le Milan en Ligue des Champions ».

Que dire des tifosi qui revoudraient le scudetto 2005-2006, celui qui a été remis à l’Inter.
« Je les comprends. Attention cependant. Moins on parle du passé, mieux c’est. Je crains que, si nous le récupérons, nous finirons par payer encore plus ».

Comment serait classée «cette» Juve en serie A ?
« Au milieu de classement. L’équipe est bonne oui, et pour la serie B elle est très bonne: mais pour être compétitifs au plus haut niveau, il faut encore autre chose. Entre parenthèses, pour Nedved et Del Piero les années passent ».

Préoccupé?
« Tout dépend des actionnaires. S’ils ont envie de dépenser ou non. Les refondations ont besoin de deux choses: de capital et de compétences ».

Sur Del Piero, certains ont écrit: le dernier cadeau de Boniperti.
« Il a de la classe, il est sérieux. Style Juve à cent pour cent ».

Mais il n’a jamais voulu faire ce pas en arrière que, au contraire, vous avez fait: d’attaquant à passeur..
« Je m’étais permis de le lui suggérer. Evidemment, il ne voulait pas. Le football moderne est différent du mien: j’avais des coéquipiers qui couraient pour moi, Alex doit courir énormément. Et si un joueur n’a pas dans les jambes un certain kilométrage, il vaut mieux qu’il reste où il est ».

Comment voyez-vous Platini président de l’Uefa?
« Et vous osez me le demander? Très bien. D’abord, c’est un des nôtres. Ensuite, ses parents étaient de Agrate Conturbia, huit kilomètres de ma région de Barengo. Enfin, le football a besoin de crédibilité ».

Déjà.
« Nous l’avons perdue. Pas seulement la Juve. Tout le système. Je n’étais certainement pas un saint, mais je ne suis jamais entré dans le vestiaire d’un arbitre, si, par invitation ».

A votre époque, il n’y avait pas les interceptions.
« Plus vous êtes puissants, plus vous devez essayer de donner l’exemple. Et si vous n’y arrivez pas, vous devez au moins ne pas exagérer. Les grandes sociétés auront toujours plus de faveurs que les petites. Surtout en Italie, pays historiquement servile ».

Quel est, à votre avis, le problème le plus délicat ?
« Toute une histoire a été faite alors que nous aurions pu tout arrêter et repartir à zéro. Je ne voudrais pas que les jeunes choisissent d’autres sports ».

Dans le détail?
« Prenons les arbitres. Je déteste la moviola sur le terrain et, comme vous le savez, j’ai toujours prôné pour un deuxième arbitre. Ceci dit, les gens doivent recommencer à croire aux erreurs. A l’étranger, sauf quelques rares exceptions, les tifosi les acceptent. Ici, ils les analysent parce qu’ils savent que, souvent, ils ne sont pas fortuits ».

Votre recette?
« Elire des dirigeants à la hauteur. Je suis nostalgique des Barassi et des Franchi. Hommes d’extraordinaire personnalité. Aujourd’hui, c’est tout un marché ».

Hommes d’extraordinaire personnalité: il est possible qu’il n’en soit resté aucun?
« J’apprécie Agnolin. Il a commis des erreurs, je ne discute pas cela, mais c’est quelqu’un qui ne regarde personne de haut. Je l’aurais confirmé dans le rôle de commissaire de l’Aia. Il me semblait être la personne la plus adaptée pour assainir le secteur ».

Et quelles sont vos erreurs président?
« Zavarov. La piste russe. Trop basée sur les temps. Et sur Abramovich … ».

Pas Maradona?
« Figurez vous que nous avions pris Maradona. C’est la fédération argentine qui l’a bloqué. Un jour, Diego m’a confié: “ Si j’étais venu à la Juve, ma vie aurait été beaucoup plus tranquille“. Je lui ai répondu: “La mienne aussi“ ».

Zidane?
« Cent cinquante milliards de lire ne sont pas rien, mais je ne l’aurais pas vendu. Zizou est le meilleur de tous ».

Et la Juve?
« Nous serons toujours aimés, détestés ou supportés. Grâce au ciel, notre histoire parle d’elle-même. Et j’espère que très vite, le plus vite possible, cette parole de Gianni Agnelli redeviendra d’actualité: Avvocato, la Juve gagne ou le meilleur gagne? Je suis chanceux, souvent les deux choses coïncident ».